La double échelle salariale dans l’entreprise pour les nouveaux employés

La possibilité pour les entreprises de mettre en place une double échelle salariale pour les nouveaux employés a été très controversée. Plusieurs décisions de justice de l’année passée suggèrent qu’il existe une doctrine contradictoire. Dans le présent article, nous tenterons d’éclaircir ce point.

La controverse est due à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne ou CJUE (affaire C-154/2018 du 14 février 2019) qui semble être en contradiction avec celui du Tribunal Suprême espagnol (Sala de lo Social, Section 1ª, n°224/2019 du 18 mars de la même année).

Tout d’abord, dans l’arrêt de la CJUE, le fait que l’entreprise applique une échelle salariale différente aux employés en fonction de leur date d’embauche par l’entreprise a été jugé légal.

Toutefois, dans l’arrêt ultérieur du Tribunal Suprême, il a été estimé que la mise en place par l’entreprise d’une double échelle salariale sur une prime d’ancienneté en fonction de la date d’embauche des employés n’était pas conforme à la loi.

À première vue, ces deux arrêts semblent contradictoires.

Pour autant, il est nécessaire de prendre le temps d’analyser concrètement les affaires qui ont été jugées, afin de pouvoir déterminer s’il existe un conflit ou non.

Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne

L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne concernait une affaire dans laquelle, après la publication d’une circulaire touchant les professeurs des écoles publiques, une échelle salariale distincte avait été mise en place pour les nouveaux professeurs. Plus précisément, le salaire versé aux nouveaux professeurs était inférieur de 10 % au salaire des autres professeurs en fonction au moment de la publication de la circulaire.

Ainsi, deux professeurs qui venaient d’entrer sur le marché du travail à ce moment-là ont saisi le Tribunal irlandais pour l’égalité, en avançant que cette échelle salariale distincte supposait une discrimination fondée sur l’âge.

Dans ce contexte, la Cour de Justice de l’UE a estimé que le critère qui avait été pris en compte pour appliquer cette double échelle salariale était simplement la date d’embauche des professeurs, et que l’âge n’était donc pas un facteur déterminant. Par conséquent, la Cour a déclaré que la double échelle salariale n’était pas discriminatoire puisqu’elle n’était pas basée sur l’âge des personnes, mais sur leur date d’embauche qui, en aucun cas, ne peut être considérée comme un élément discriminatoire.

Arrêt du Tribunal Suprême

L’arrêt du Tribunal Suprême, quant à lui, concernait une affaire dans laquelle, suite à l’approbation d’une nouvelle Convention Collective, une indemnité d’ancienneté de l’ancienne convention avait été supprimée. Ainsi, un employé embauché par l’entreprise après cette suppression avait saisi la justice pour faire valoir l’existence d’une double échelle salariale basée sur la date d’embauche de chaque employé.

Le Tribunal a jugé cette double échelle salariale nulle, sur la base de la doctrine uniforme selon laquelle une convention collective ne peut pas prévoir des différences de salaire entre les employés pour la seule et unique raison de leur date d’embauche par l’entreprise.

Dans le cadre de cette affaire, deux éléments essentiels ont été déterminants pour le jugement :

  • D’une part, que les Conventions Collectives constituent une source conventionnelle qui règlemente la relation de travail et qui s’applique à toutes les entreprises du domaine d’activités concerné. Bien qu’elles aient un caractère obligatoire, elles doivent être en conformité et en adéquation avec les dispositions de la Constitution, de la loi et des règlements
  • D’autre part, le fait que la nouvelle convention prévoyait bien une indemnité qui, même si elle n’était pas dénommée d’ancienneté, mais ad personam (à titre personnel), elle visait à remplacer la précédente. Il aurait donc été possible d’éviter la mise en place de cette double échelle salariale.

De plus, il est indiqué dans l’arrêt que, en vertu du principe d’autonomie de la volonté, l’entreprise peut définir librement la rétribution de l’employé. Et ce, tant que les dispositions légales et les conventions applicables sont respectées, et dans la mesure où la différence de salaire n’a pas de caractère discriminatoire.

Après avoir analysé les deux affaires dans les faits, il est évident que les circonstances des faits sont très différentes. Par conséquent, les deux jugements ne se contredisent pas.

Conclusions sur la notion de double échelle salariale

Au vu des éléments susmentionnés, nous pouvons tirer une double conclusion, à savoir :

  • Que les Conventions Collectives, bien qu’elles soient un instrument de règlementation et qu’elles aient un caractère obligatoire, ne peuvent pas prévoir des stipulations impliquant une double échelle salariale basée sur la date d’embauche des employés
  • Que les entreprises, en vertu du principe d’autonomie de la volonté, peuvent tout à fait prévoir des différences de salaire, tant qu’elles respectent les minimums légaux et conventionnels (en particulier les Conventions Collectives applicables) et qu’elles ne sont pas discriminatoires.

Les entreprises peuvent donc prévoir une double échelle salariale pour les nouveaux employés, à condition de respecter les dispositions légales et conventionnelles.

Alejandra Sanz

Cet article ne relève pas du conseil juridique

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