La négociation de bonne foi dans le cadre de la restructuration d’entreprise

Nous en savons déjà beaucoup sur le devoir de négociation de bonne foi imposé à l’employeur dans le cadre d’une restructuration d’entreprise. Cependant, nous en savons très peu sur l’exigence de bonne foi dans la négociation imposée aux représentants des travailleurs.

La récente décision du Tribunal suprême, chambre sociale, du 18 septembre 2018, arrêt n°843, nous permet de tirer d’intéressantes conclusions à ce sujet et de plus, elle introduit une jurisprudence sur cette question.

Concrètement, le Tribunal suprême précise que, bien que les représentants des travailleurs ne fassent pas valoir certaines revendications durant la période de consultation et que celle-ci se clôture sans accord, les travailleurs ne perdent pas le droit de les invoquer lors de la contestation judiciaire de la mesure. À titre d’exemple, cela se produirait en cas d’existence d’un groupe d’entreprises, qui est un sujet fondamental.

En effet, ceci implique d’importantes conséquences puisque, s’il y a un groupe d’entreprises, une condamnation solidaire s’appliquera aux entreprises du groupe une fois la nullité de la mesure déclarée. Au contraire, s’il n’y a pas de groupe d’entreprises, la condamnation n’aura d’effet que sur la société qui emploie les travailleurs concernés.

La vraie question qui se pose en substance est la bonne foi des représentants des travailleurs dans la négociation

En l’espèce, dans l’arrêt qui nous occupe, il semblerait que le syndicat plaignant ne soit parvenu à faire valoir quelconque objection quant au groupe d’entreprises durant la phase de négociation de la période de consultation et qu’il ait accepté à l’amiable que le seul réel employeur était la société employeuse, sans mentionner le reste des sociétés qui ont été poursuivies par la suite. Il convient de se demander si cela constitue un obstacle procédural, qui empêche d’introduire cette question dans la plainte si les sociétés accusées l’allèguent.

Comme nous l’avons mentionné, il semblerait que les faits se soient déroulés comme décrits. Néanmoins, le syndicat plaignant a réussi à prouver à travers des procès-verbaux de la période de consultation qu’il s’agit de bonne foi, étant donné qu’il a mis sur la table des négociations l’existence de certains liens entre les sociétés du groupe et a demandé à la société des informations sur les comptes de ces dernières.

La loi est stricte sur ce point : pendant la période de consultation, les parties doivent négocier de bonne foi en vue de parvenir à un accord

Pour le Tribunal suprême, le contenu de la demande de licenciement collectif ou de suspension temporaire de contrats ne dépend pas des questions qui auraient été soulevées lors de la négociation. De même, l’obligation de négocier de bonne foi durant la négociation s’applique aux deux parties de la même manière, dans le cadre de leurs obligations respectives. Le tribunal affirme également qu’il est impossible de transférer par analogie les critères jurisprudentiels sur la portée du devoir de bonne foi, exigible à l’entreprise, aux représentants des travailleurs. Cette impossibilité est due au fait que la loi s’est uniquement chargée de réguler de façon détaillée les règles de conduites des entreprises.

Il s’agit d’une question particulièrement pertinente qu’il convient de se poser pour pouvoir tirer les conséquences de cette conduite

Au début, le Tribunal suprême affirme qu’il est possible que la conduite des représentants des travailleurs pendant la période de consultation ait effectivement pu représenter une atteinte au devoir de bonne foi, si ces derniers ont dissimulé intentionnellement les éléments dont ils disposaient sur l’existence du groupe d’entreprises, s’ils n’ont pas évoqué leurs éventuels liens avec d’autres sociétés, ni réclamé aucune sorte d’information ou de documentation concernant les entreprises avec lesquelles ils seraient susceptibles d’être liés, en invoquant par surprise cette circonstance lors de la procédure judiciaire.

Rien n’empêche d’alléguer dans la plainte l’existence d’un groupe d’entreprises, lorsque les représentants des travailleurs prennent connaissance pour la première fois d’un éventuel groupe en analysant plus attentivement les informations et la documentation recueillies durant la période de consultation.

L’appréciation de la bonne ou mauvaise foi dans la négociation n’admet pas de règles génériques, car elle exige que tous les éléments soient pris en compte au cas par cas

Selon cette doctrine, la portée de la négociation de bonne foi dans la restructuration d’entreprise ne va pas jusqu’à imposer aux représentants des travailleurs de dénoncer l’éventuelle existence d’un groupe d’entreprises pendant la période de consultation.

En guise de conclusion, nous noterons que des normes étroites et complexes de négociation sont appliquées aux deux parties. Les entreprises se voient imposer des règles beaucoup plus sévères que les représentants des travailleurs. Le degré de contrôle judicaire est nettement moins restrictif pour les représentants des travailleurs que pour les entreprises. Effectivement, si ces dernières omettent des documents ou des informations, ou qu’elles ne mènent pas correctement la négociation (sans inclure dans la négociation les autres sociétés du groupe), cela entraîne automatiquement la nullité de leur mesure de restructuration.

Ana Gómez

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Cet article ne relève pas du conseil juridique

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