Le droit de retrait de l’associé minoritaire en Espagne

L’article 348.bis, qui reconnaît le droit de l’associé minoritaire de se retirer, de sortir de la société en cas d’absence de distribution des dividendes, est entré en vigueur le 1er Janvier 2017. Cet article, qui était inclus au sein de la Loi régissant les Sociétés de Capitaux (la « LSC »), approuvée le 2 Octobre 2011, a été suspendu par la Loi 1/2012 du 22 Juin sur la simplification des obligations d’informations et de documentations en matière de fusions et scissions de société de capitaux, laquelle contenait une nouvelle disposition transitoire de la LSC, suspendant l’entrée en vigueur de l’article 348.bis de la LSC jusqu’à cette année.

Déjà pendant la courte période de temps où l’article était en vigueur, de nombreuses controverses avaient surgi. Le texte avait fait l’objet de vifs débats tant au sein de notre doctrine que de la jurisprudence, entre plusieurs courants opposés au regard de l’existence et la pertinence de l’article, mais aussi concernant ses conditions d’application, la possibilité de règlementer ce droit de sortie par des pactes d’associés ainsi que, le cas échéant, la procédure d’évaluation de la valeur des actions et parts sociales de l’associé exerçant son droit de retrait de la société.

Conditions pour l’exercice du droit de retrait de l’associé minoritaire

Il est possible de déduire du libellé de l’article 348.bis les conditions qu’il est nécessaire de remplir afin que l’associé minoritaire puisse exercer son droit de retrait de la société en raison de d’absence de distribution des dividendes.

Ce sont les suivantes :

  • Que l’Assemblée Générale des associés n’accepte pas la distribution des dividendes, ou tout du moins, d’un tiers des bénéfices tirés de l’exploitation de l’objet social obtenus au cours du précédent exercice. En ce sens, ne seront jamais pris en considération les bénéfices à caractères « extraordinaires » ou « atypiques » dès lors que leur montant est significatif et non récurrent, c’est-à-dire que ces bénéfices ne correspondent pas à l’activité ordinaire de la société
  • Que l’associé qui exerce son droit de retrait ait voté en faveur de la distribution des dividendes
  • Que la Société soit inscrite au Registre de Commerce depuis au moins 5 ans
  • Que les bénéfices soient légalement distribuables : cela signifie qu’il faut d’abord doter les réserves légales et statutaires
  • L’exercice du droit de retrait de la société doit être exercé dans un délai d’un mois à compter de la tenue de l’Assemblée Générale Ordinaire.

Bien qu’en principe l’article précédemment évoqué vise à protéger les associés minoritaires de l’abus de majorité, il ne faut pas oublier que l’entrée en vigueur de l’article 348.bis diminue la liberté de la majorité lors de la prise de décisions. Le risque premier est inévitablement que les fins lucratives l’emportent sur l’intérêt social et le bénéfice de la société, sans prise en compte la situation patrimoniale et financière réelle de la société.

En outre, bien que la rédaction de l’article n’indique pas expressément que ce droit soit impératif, « sauf stipulation contraire des statuts », il existe un courant jurisprudentiel qui comprend que ce droit peut être régulé (et par conséquent, aussi exclu) par le biais des statuts ou des pactes d’associés. En effet, puisqu’il s’agit d’une norme de réglementation des relations internes entre la société et les associés, sa régulation par des accords privés est pleinement disponible.

Enfin, il convient de noter que si l’associé minoritaire décide d’exercer son droit de retrait de la société, il conviendra de mettre en œuvre la procédure établie aux articles 353 et suivants de la LSC. Ceux-ci établissent que, dans un premier temps, la valeur des actions/parts sociales doit être évaluée entre l’associé et la société. À défaut d’accord sur la juste valeur des parts sociales ou actions ou sur la (les) personne(s) devant les estimer ou encore sur la procédure à suivre pour cette évaluation, les parts sociales/actions seront valorisées par un commissaire aux comptes. Celui-ci sera externe à l’entreprise et désigné par le Registre de commerce du domicile social, soit à la demande de la société, soit à la demande de l’associé propriétaire des parts sociales/actions objet de la valorisation.

Cet article ne relève pas du conseil juridique

Diplômée en Droit avec un Master d’Accès à la profession d’Avocat, Rosario Rodríguez est spécialisée dans le droit commercial, le droit des sociétés et la constitution de sociétés en Espagne. Langues de travail : français, espagnol et anglais. Envoyez votre consultation à Contactez Maître Rodríguez