Moratoire dans le contrat de bail commercial pendant l’état d’alerte (RDL 15/2020)

Le moratoire du contrat de bail commercial est prévu par le Décret-Loi Royal 15/2020 (ci-après RDL 15/2020), du 21 avril, concernant les mesures d’urgence complémentaires afin de soutenir l’économie et l’emploi, entré en vigueur en Espagne le 23 avril 2020. Dans son chapitre I (articles 1 à 5), sont établis les critères et les conditions à remplir pour que le locataire puisse exiger du bailleur un moratoire sur le paiement des loyers pendant une durée déterminée.

Le Décret-Loi Royal 15/2020 peut se comprendre comme un exemple de plus de la nouvelle tendance d’utilisation par le droit positif de la clause rebus sic stantibus (tel que ce fut le cas, par exemple, avec les contrats de crédit sans garantie hypothécaire au regard du Décret-Loi Royal 11/2020), face à la nécessité de trouver un mécanisme qui permette de rétablir l’équilibre des conditions entre les parties.

Conditions du moratoire dans les contrats de bail commercial

Les principaux aspects que les locataires comme les bailleurs doivent avoir à l’esprit concernant l’application du moratoire sur le paiement des loyers déterminés pour une location autre qu’à usage d’habitation sont :

Demande, durée et conditions économiques du moratoire pour le paiement du loyer

Le moratoire pourra être demandé dans un délai d’un mois à partir de l’entrée en vigueur du RDL 15/2020, autrement dit, à partir du 23 mai 2020.

Pour ce qui est de sa durée, elle ne pourra jamais excéder quatre mois, étant entendu que ladite période comprend l’état d’alerte, ses prorogations et le délai pour encaisser l’impact provoqué par la situation de crise sanitaire.

En ce qui concerne les conditions économiques, il faut souligner que :

  • Le délai de paiement du loyer est sans pénalités et ne rapporte pas d’intérêts
  • Le montant dû en application du moratoire peut être fractionné en quotas sur une période de deux ans à compter de la fin de l’état d’alerte et de ses prorogations, bien que toujours pendant la durée de validité du contrat.

Distinction entre grands propriétaires fonciers et autres bailleurs

Le premier aspect du RDL 15/2020 à souligner est l’établissement de deux catégories de bailleurs :

  • Les grands propriétaires fonciers (les bailleurs qui remplissent chacune des conditions prévues à l’article 1.1)
  • Les autres bailleurs.

Cette distinction est d’une importance capitale puisque les locataires peuvent imposer le moratoire aux grands propriétaires fonciers de manière automatique, alors qu’ils peuvent seulement en faire la demande auprès des autres bailleurs.

À cet égard, l’unique particularité contenue dans le RDL 15/2020 sur laquelle repose le potentiel accord qui peut être trouvé entre le locataire et les bailleurs, est l’application de la caution du contrat de location au paiement des loyers et sa restitution postérieure.

Locataires qui peuvent bénéficier du moratoire du RDL 15/2020

Le RDL 15/2020 distingue deux types de locataires qui peuvent demander le moratoire, les auto-entrepreneurs et les PME, et établit des conditions fondamentales distinctes pour chacun d’eux.

Dans le cas des auto-entrepreneurs, les critères sont :

  • Être affilié en tant qu’auto-entrepreneur
  • Se trouver dans une situation grave à la date de déclaration de l’état d’alerte
  • Avoir suspendu l’activité
  • Avoir vu la facturation du mois précédent celui lors duquel a été sollicité le délai, réduite d’au moins 75% par rapport à la facturation moyenne mensuelle du trimestre auquel appartient ledit mois par référence à l’année précédente.

Concernant les PME, le RDL 15/2020 exige que :

  • La société ne dépasse pas les limites établies par l’article 257.1 de la Loi sur les Sociétés de Capitaux (Décret Législatif Royal 1/2010)
  • La société n’ait pas suspendu son activité
  • Qu’il ne se soit pas produit de réduction de la facturation dans les mêmes conditions qu’exposées précédemment pour les auto-entrepreneurs.

Accréditation des critères

L’accréditation des critères du côté du locataire dépendra de si ce dernier a vu son activité réduite ou suspendue. La réduction de l’activité sera accréditée, initialement, par la présentation d’une déclaration responsable et la suspension de l’activité sera accréditée grâce à un certificat envoyé par l’Agence Étatique de l’Administration Fiscale (Agencia Estatal de la Administración Tributaria) ou l’organe compétent de la Communauté Autonome (Comunidad Autónoma). Il convient de souligner que, étant donné que la déclaration responsable est un instrument généré par le locataire lui-même, le RDL 15/2020 offre au bailleur la possibilité de réclamer tout d’abord les livres comptables afin de vérifier cette information.

Conséquences de l’application abusive du moratoire par le locataire

Les locataires qui auront bénéficié du moratoire sans réunir les conditions établies par le RDL 15/2020 devront répondre des dommages, préjudices et coûts générés par leur application, sans préjudice des responsabilités de toute autre nature qu’ils peuvent se voir reprocher.

Subordination du moratoire établi aux accords trouvés entre le bailleur et le locataire

Il convient de préciser que le moratoire établi par le RDL 15/2020, dont celui à caractère obligatoire dans le cadre des relations entre locataire et grands propriétaires fonciers, est subordonné aux accords de moratoire ou de réduction du loyer convenus entre les parties.

Compte tenu de ce qui précède, les locataires qui sont parvenus à un accord prévoyant un moratoire ou une réduction du loyer ne pourront pas exiger du bailleur l’application du moratoire du RDL 15/2020, bien qu’ils remplissent les critères et les conditions qui leur sont plus favorables.

En ce qui concerne les contrats de location pour des usages autres que celui d’habitation, convenus avec des bailleurs qui ne peuvent être qualifiés de grands propriétaires fonciers, ladite subordination est peu affectée, étant donné l’absence d’obligation d’acceptation du moratoire pour chacune des parties.

Pour des informations détaillées sur le moratoire dans le contrat de bail commercial,

Cet article ne relève pas du conseil juridique

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