Les études de droit en France

En 1787, Kant écrivait dans son fameux ouvrage (la critique de la raison pure) : les juristes cherchent encore une définition pour leur concept du droit. Gustave Flaubert affirmait au siècle suivant que le droit, on ne sait pas ce que c’est. Et plus de 200 ans plus tard, il en est toujours de même, ainsi que le dit fort bien le docteur en droit français Norbert Rouland, le droit appartient à la famille assez étendue des concepts qui ne sont clairs qu’entrevus de loin.

Bien que peu clair au premier abord, le droit n’en reste pas moins un domaine d’études très attractif. Comme le disait Portalis, dans le rapport préliminaire sur l’établissement du Code civil des Français, en date du 21 mars 1804, Le droit est moralement obligatoire, mais par lui-même il n’emporte aucune contrainte ; il dirige, les lois commandent ; il sert de boussole et les lois de compas. Plus récemment, le Doyen Cornu a défini le droit comme étant un ensemble de règles de conduite socialement édictées et sanctionnées qui s’imposent aux membres de la société.

Le droit permet alors de comprendre et d’appréhender le monde dans lequel nous vivons et c’est une des raisons qui en font une discipline aussi attractive pour bon nombre d’étudiants et de praticiens. En effet, le droit reste la voie royale à emprunter pour bon nombre de lycéens, fraîchement diplômés du baccalauréat et qui ne savent pas, pour la plupart, ce qui les attend en vérité.

Le choix de la Fac

Après l’obtention de leur BAC, les étudiants français doivent s’inscrire sur la plateforme Postbac et classer leurs vœux d’études et d’Université dans leur ordre de préférence. Toutefois, à l’entrée en licence, le choix est en principe limité par le principe de sectorisation et la priorité sera donnée aux étudiants qui souhaitent s’inscrire dans l’université du secteur où se trouve leur domicile familial.

Après les trois ans de licence (pour ceux qui ne redoublent pas, les redoublements étant en général nombreux, surtout en première année), les étudiants souhaitant poursuivre en Master pourront postuler librement dans l’Université de leur choix, c’est-à-dire celle qui correspond le mieux à leurs attentes, qui propose une spécialité conforme à leur projet professionnel ou encore celle qui leur parait la plus prestigieuse. Cette dernière condition n’est pas des moindre pour la sélection en Master 2.  En effet, un étudiant faisant son Master 1 au sein d’une Université prestigieuse comme Paris Assas ou Paris Sorbonne par exemple, aura plus de chance d’être sélectionné pour son Master 2 au sein de la même Université.

Les différents cursus

Bien que les étudiants désireux d’embrasser des études juridiques choisissent le plus souvent la voie universitaire en suivant le cursus LMD (Licence-Master-Doctorat), il existe aussi des formations plus courtes.

Les formations courtes

Le DUT Carrières juridiques

Ce DUT a vocation à former rapidement des assistants juridiques qui exerceront auprès d’avocats, de notaires ou dans les services juridique d’entreprises. Les titulaires de ce DUT pourront aussi poursuivre leurs études ou tenter des concours administratifs.

Le BTS notariat

Il permet en deux ans après le BAC de devenir clerc  de notaire.

La capacité en droit

Cette formation est ouverte dès 17 ans aux non bacheliers et permet de poursuivre ensuite des études juridiques.

La formation LMD

Ce cursus offre de plus larges débouchés et peut mener aux métiers de la magistrature, aux professions de notaire ou d’avocat etc.

La première année de licence est plutôt consacrée à l’apprentissage des méthodes de travail et à l’acquisition de certaines bases juridiques. Les deux années suivantes visent à acquérir un tronc commun de connaissances juridiques et générales. Les matières sont alors assez similaires d’une faculté à l’autre : droit civil, doit constitutionnel, droit pénal, droit administratif, histoire du droit, institutions juridiques et administratives etc. En troisième année de licence, les étudiants devront choisir de se spécialiser soit en droit privé, soit en droit public. De là découlera aussi le choix du Master.

Le droit privé régit les relations entre les individus et défend la liberté des personnes. Il recouvre des matières telles que le droit civil, le droit commercial, le droit du travail, le régime des obligations, le droit international privé etc.

Le droit public vise à satisfaire l’intérêt général. Il regroupe l’ensemble des règles qui président à l’organisation de l’État et gouverne les rapports entre l’État et les particuliers. Il s’impose à toutes les personnes sans dérogation. Il recouvre le droit constitutionnel, le droit administratif, le droit des finances publiques, le droit fiscal, le droit international public etc.

En Licence et en Master 1, les étudiants assisteront à des cours magistraux en amphithéâtre, qui ne sont pas obligatoires eu égard au nombre conséquent d’étudiants, et à des TD (Travaux Dirigés), qui eux sont obligatoires. Pour ces TD, les étudiants de chaque promotion seront répartis en plusieurs groupes d’une vingtaine d’étudiants dans une salle de classe. La préparation des TD est souvent longue et fastidieuse, elle nécessite de bien connaitre son cours et de travailler régulièrement. La note de TD sera très importante et comptera bien souvent pour moitié de la note finale de l’étudiant dans la matière concernée. En Master 2, il n’y aura plus de TD mais au final tous les cours seront des sortes de TD, puisque les étudiants auront beaucoup de travail personnel et des travaux de groupe à réaliser.

Les examens, plus communément appelés partiels auront lieu en décembre / janvier pour le premier semestre et en mai pour le second semestre. L’étudiant n’atteignant pas une moyenne de 10/20 sera admis aux rattrapages en juin, que ce soit pour les rattrapages du premier ou du second semestre. Attention toutefois, un élève qui ne justifierait pas ses absences en TD pourra être considéré comme défaillant et partant, ne validerait pas son année et ne serait même pas admis aux rattrapages.

La sélection

En principe, au début de leur cursus, c’est-à-dire pour l’entrée en licence, les étudiants en droit ne sont pas confrontés à une quelconque sélection. Or, chaque juriste sait que tout principe comporte des exceptions. Tant et si bien que pour certaines licences, une sélection s’appliquera dès la première année, c’est-à-dire dès l’entrée en L1. Il en est ainsi pour certaines doubles licences à Paris notamment qui ne peuvent accueillir qu’un  nombre restreint d’étudiants et qui privilégieront donc les étudiants les meilleurs, à savoir ceux qui ont eu la mention Très Bien au BAC ou encore ceux qui habitent dans leur secteur.

De même, en principe, l’entrée en Master 1 s’effectue sans sélection et les étudiants détenteurs d’une licence en droit pourront postuler au Master 1 de leur choix. Là encore, ce principe peut souffrir d’exception, notamment à Paris où certains Masters 1 se veulent  réservés à une élite, c’est-à-dire aux étudiants ayant une mention à leur licence (mention Bien ou Très Bien) ou ayant déjà fait leur licence au sein de la même fac.

C’est véritablement pour l’entrée en Master 2 que la concurrence sera rude puisque la majorité des Master 2 n’accueillent qu’une vingtaine d’étudiants. C’est la raison pour laquelle, il est important d’avoir un bon dossier dès la licence et surtout d’avoir une mention à son Master 1. Dès la fin de l’année scolaire (en mai, le plus souvent, pour ceux n’allant pas aux rattrapages), les étudiants de Master 1 devront émettre leurs vœux et postuler, pour plus de chance d’être pris, à divers Master 2 de leur choix, et ce, dans plusieurs villes. En effet, il arrive assez souvent que certains étudiants, croyant absolument être pris dans leur Master 2 de prédilection, ne postulent qu’à un ou deux Master 2 et se retrouvent ensuite malheureusement pris dans aucun. Ces étudiants feront alors, pour la plupart d’entre eux, un second Master 1, ce qui n’est au final pas mal vu, bien au contraire puisqu’il est apprécié qu’un étudiant ait deux Master 1 à son actif.

Comment se passe en pratique la sélection en Master 2 ?

Après une première sélection sur dossier de l’étudiant, dans la plupart des facultés, les candidats seront convoqués à des entretiens de sélection où il leur sera demandé de résumer leur parcours académique, d’expliquer leurs motivations, d’expliquer les raisons les poussant à choisir ce Master 2 et pas un autre, leur objectif de carrière, de mettre en avant leurs qualités etc. Cette première sélection sur dossier est déjà une victoire pour l’étudiant et tout se jouera alors lors de cet entretien. C’est pourquoi mieux vaut y être préparé.

Là, le jury de sélection, qui a déjà examiné le dossier du candidat, aura également ce dossier devant lui pour lui poser des questions à ce sujet, que ce soit sur telle ou telle note dans telle ou telle matière, de son séjour ou non en Erasmus etc. En effet, le jury appréciera souvent que l’étudiant soit parti à l’étranger, que ce soit en Erasmus ou autre, ou encore que l’étudiant se soit investi dans des activités extrascolaires ou associatives, qu’il ait déjà effectué des stages ou bien travaillé tous les étés etc. Ainsi, le parcours purement académique ne suffit en principe pas et l’entrée en Master 2 ne se fait pas seulement eu égard aux notes du candidat (même si en vérité, dans les faits, un étudiant qui a la mention TB à son Master 1 n’ayant jamais travaillé de sa vie sera pris dans n’importe quel Master 2 de son choix) mais aussi eu égard à son profil et surtout au profil recherché par le Directeur de Master pour l’entrée au sein de sa promotion de Master 2. Par exemple, pour un étudiant souhaitant faire un Master 2 de Droit des affaires internationales, il est évident qu’il aura plus de chances d’être pris, soit en ayant déjà fait un Master 1 de Droit des affaires internationales, ou ayant déjà  étudié le droit des affaires, mais aussi en ayant vécu une expérience à l’internationale ; la maitrise d’une seconde, voire d’une troisième langue étant primordiale. D’ailleurs, dans beaucoup d’entretiens de sélection, ce niveau de langue sera évalué et le jury se fera un plaisir de passer du français à l’anglais ou à l’espagnol sans prévenir.

L’année de Master 2

L’année de Master 2 est dans la plupart des cas relativement courte, c’est-à-dire que les étudiants iront en cours de septembre à avril et à partir d’avril, il leur sera demandé d’effectuer un stage, en cabinet d’avocat ou en entreprise, d’une durée de trois à six mois, afin de valider leur Master. Toutefois, cela ne vaut pas pour tous les Master 2. Certains peuvent s’effectuer en alternance, c’est-à-dire que durant toute l’année, l’étudiant sera la moitié du temps à la Fac et l’autre moitié en apprentissage.

S’agissant des M2 en apprentissage

Les Masters 2 en apprentissage sont surtout destinés aux étudiants voulant embrasser une carrière de juriste d’entreprise.

L’étudiant désirant s’orienter vers un Master 2 en alternance devra, en même temps que ses candidatures en M2, postuler dans  diverses entreprises en vue de trouver son apprentissage. Chaque formation comporte un calendrier différent, c’est-à-dire que dans certains cas, chaque mois, l’étudiant devra être à la fac deux semaines d’affilée et les deux suivantes en entreprise ; ou encore une semaine à la fac et une autre en entreprise, ou bien même du lundi au mercredi en entreprise et du jeudi au vendredi ou même samedi en cours etc. Cela dépend donc de chaque formation, c’est pourquoi il peut parfois être ardu de trouver une entreprise prête à prendre un étudiant en apprentissage, le calendrier de l’université et celui de l’entreprise ne coïncidant pas toujours. L’avantage d’un M2 en apprentissage est que l’étudiant aura d’ores et déjà un pied dans l’entreprise, sera efficacement formé et surtout, il sera payé, ce qui n’est pas négligeable. Par ailleurs, il aura de fortes chances d’être directement embauché par l’entreprise l’ayant pris en alternance.

S’agissant des M2 avec stage de fin d’année

Cette expérience constituera un premier pas dans le monde du travail et pourra, selon le Master, s’effectuer ou non à l’étranger. Il est donc recommandé aux étudiants de rechercher leur stage le plus tôt possible dans l’année scolaire pour ne pas se retrouver sans stage en avril. À cette fin, le réseau de la fac et du Master en question peuvent s’avérer très utiles et faire partie par exemple de l’association des anciens étudiants dudit Master en question peut être bénéfique à la recherche de stage (bénéficier de contacts, d’avis etc).

Durant ce stage, il sera demandé aux étudiants (pour la plupart) de rédiger un rapport de stage et un mémoire sur un sujet de leur choix (soit un sujet traité à l’occasion du stage, soit un sujet leur tenant à cœur, ou encore un sujet choisi avec leur professeur référant). À la fin du stage, ils devront soutenir leur mémoire devant un jury réunissant en principe leur Directeur de Master, leur professeur référant et leur Maître de stage.

Les débouchés du droit

Les études de droit débouchent sur de nombreuses professions que ce soit strictement dans le domaine juridique ou encore dans ceux de la gestion, de l’administration, du commerce, des finances ou même de la communication.

  • Professions juridiques : avocat, notaire, huissier de justice, commissaire-priseur
  • Fonctions publiques : magistrat, greffier, commissaire de police, inspecteur des impôts, contrôleur des douanes, inspecteur du travail, cadre ou agent d’administrations publiques, chargé de mission
  • Autres fonctions : expert judiciaire, administrateur judiciaire, juriste d’entreprise, agent immobilier, métiers de l’assurance et de la banque
  • Enseignement (après la soutenance d’une thèse) : Maître de conférences, Professeur des universités (après réussite de l’agrégation de droit).

Précisions concernant la poursuite d’études après le Master pour certaines professions

Pour devenir avocat

Après un Master 2 ou même directement après un Master 1, il est possible de passer un examen appelé le CRFPA ou Précapa qui est très difficile et sélectif. Cet examen est divisé en deux phases. Il débute par une phase d’admissibilité composée de trois écrits obligatoires. Seuls les étudiants ayant réussi les épreuves écrites, c’est-à-dire ceux qui auront obtenu une moyenne de 10/20 seront admissibles aux épreuves orales. Ces dernières sont composées de petits oraux techniques, d’un oral de spécialité et enfin du Grand Oral, qui est l’épreuve ultime dotée du plus fort coefficient des épreuves d’admission. Les étudiants qui auront une nouvelle fois obtenu une moyenne égale ou supérieure à 10/20 seront admis à l’examen d’entrée du CRFPA. Attention, il n’est possible de se présenter que trois fois à cet examen.

Ils prépareront alors le CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat) en 18 mois de formation. Ces 18 mois de formation seront divisés en trois parties : 6 mois de cours, 6 mois de stage dans un cabinet d’avocat et 6 mois de préparation d’un PPI (Projet Pédagogique Individuel) dans un service juridique. Ce n’est qu’après l’obtention du CAPA que l’on devient officiellement avocat en France.

Pour devenir notaire

Après un Master 1 de droit, deux voies sont possibles pour les aspirants notaires. Dans les deux cas, les étudiants devront effectuer un stage de deux ans rémunéré avant de pouvoir obtenir le diplôme leur permettant  d’exercer la profession de notaire.

  • La voie universitaire : l’étudiant devra intégrer un Master 2 en droit notarial, lequel Master 2 est très sélectif, puis préparer un diplôme supérieur de notariat.
  • La voie professionnelle : l’étudiant devra intégrer un centre de formation professionnelle notariale (CRFPN) accessible sur examen et obtenir le diplôme d’aptitude à la fonction de notaire (DAFN).

Pour devenir magistrat

Le concours d’entrée à l’ENM (Ecole Nationale de la Magistrature) située à Bordeaux est l’un des plus sélectifs qui soient (environ 10% des candidats, tous concours confondus sont admis chaque année). Il existe trois types de concours de la magistrature selon le profil du candidat.

  • Le concours principal s’adresse aux étudiants de moins de 32 ans titulaires d’un Master 1. En pratique, les candidats auront quasiment tous un Master 2, tant le niveau est élevé
  • Un deuxième concours s’ouvre pour les fonctionnaires qui justifient de quatre ans d’exercice au sein de la fonction publique
  • Un troisième concours est destiné aux professionnels issus du secteur privé ou aux personnes exerçant un mandat électif

Le concours est composé de trois types d’épreuves :

  • Six écrits d’admissibilité
  • Les épreuves d’admission (épreuve écrite de note de synthèse, oral d’anglais et divers oraux techniques)
  • L’épreuve du Grand Oral

Ensuite, la formation dure 31 mois. Ces élèves  alterneront entre les périodes de stage et de cours. À la fin de leur formation, ils pourront choisir leur première affectation sur une liste de postes vacants dressée par le ministère de la Justice en fonction des notes qu’ils auront obtenues tout au long de leur scolarité. Ensuite, ils devront se spécialiser pendant cinq mois à leurs nouvelles fonctions, puis à la fin de ces cinq mois ils prêteront serment au cours d’une cérémonie solennelle.

Cécile Proust

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